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SURET-LEFORT MANGE BOUTEILLER

son parti, il eût avec ivresse trouvé d’immenses réserves d’énergie, mais être renié, livré en dérision ! Et quel moyen de se venger ? En s’arrachant de ces coreligionnaires qui le sacrifient, il romprait des liens faits de sa chair et par où un même sang les vivifie.

Pour diminuer si possible la portée de l’incident, il se contraignit, avant de quitter la Chambre, d’adresser quelques mots à Suret-Lefort qui, courtois, bref et distrait, prit avec rapidité tous les avantages de sa nouvelle importance.

Cette exécution hypocrite parut rompre les reins à Bouteiller plus sûrement que les scandaleuses séances de la dernière législature n’avaient fait aux panamistes. Il semblait qu’avant de commencer une ère de paix et d’oubli on s’accordât sur une concession nécessaire.

Ce vaincu ne dormit pas. Il se disait : « J’ai refusé deux ministères, et, moi qui trois fois ai été rapporteur général du budget, cette année je ne serai même pas de la Commission. » Ce n’était pas un homme affaissé, un de ces coureurs que l’on voit abandonner leur bicyclette, se coucher à terre et souffler : « Laissez-moi, je ne peux plus vouloir. » Il était prêt à pédaler, mais ses entraîneurs se jetaient sur lui pour l’empêcher de gagner la course.

Dès la première heure, le lendemain, il sortit sans but. C’était un de ces matins légers où le