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DÉRACINÉS, DÉSENCADRÉS…

parcs de Versailles, en même temps qu’ils donnent une discipline française à leurs visiteurs bien nés, ébranlent nos puissances profondes de romanesque. Et dans ce début de décembre, la même qualité morale s’en exhale que du calme d’un malade à la veille d’une douloureuse opération.

À tous instants s’ouvraient dans le fourré de profondes allées d’un caractère grave et solitaire. Sturel s’engagea sous ces nefs, où les feuilles multicolores de l’automne finissante, aussi magnifiquement que les verrières de Chartres, transforment la lumière. Le tapis du parc varie selon l’essence des arbres et la facilité qu’eut la pluie à le ternir. Parfois, dans le lointain, un bassin de marbre s’offre au bout des charmilles dont l’ombre zèbre le sol. Sur les côtés filent des sentiers étroits entre des haies rigoureusement taillées, et chacun d’eux aboutit à des petits bosquets où des bancs de Carrare délavé assistent à la chute des feuilles dans l’eau des vasques. De ces ronds-points déserts, huit chemins abandonnés mènent chacun à des solitudes d’où rayonne encore un système d’allées, toujours mélancoliques et de même enchantement. Les feuilles se détachaient et glissaient en se froissant de branche en branche. Avec le moindre bruit, elles se couchaient, ne voulaient plus que pourrir. Un vent léger se leva qui les entraînait doucement, les faisait rouler comme des cerceaux d’enfants, les poussait jus-