Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/252

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Il alla dire adieu au petit sanctuaire. Une troupe de garçons et de filles vinrent l’y rejoindre et se mirent à danser autour de lui. M. Libonom apparut à son tour, et comme le Pontife, abîmé dans sa prière, ne bougeait pas, il le toucha sur l’épaule et le conduisit dehors.

Lorsque Léopold et son petit monde, encadrés par les gens de l’huissier, sabre au clair, sortirent du couvent, il y eut une bousculade et des huées chez les curieux rassemblés pour les voir, mais d’un groupe de femmes montèrent ces mots de pitié : « Le pauvre homme ! » Ils ne furent pas perdus pour Léopold. Touché de l’intérêt courageux de ces femmes qui, dans la faiblesse de leur sexe, montraient plus de grandeur d’âme que le peuple entier de Sion, il leur adressa un regard superbe de bonté, et reprenant toute la dignité de son langage de prophète, il leur annonça, comme avait fait le Christ sur les pentes du Calvaire, l’épouvantable châtiment qui suivrait bientôt l’attentat dont elles étaient témoins :

— Filles de Sion ! ce n’est pas sur moi qu’il faut pleurer, c’est sur vous et sur vos enfants.

Ils descendirent la côte de Saxon, derrière la voiture chargée de leur pauvre literie. La