Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/292

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Dans cet effondrement, comment l’âme de François put-elle subsister ? Cette âme religieuse, exclue de l’Église et vidée de tout son contenu dogmatique, a dû devenir la proie des spectres qui se lèvent de la solitude. Sûrement le choc de la catastrophe a fait surgir en elle de folles terreurs. Jeté hors de son ordre et, l’on peut dire, hors de la loi, séparé de toute société, sauf de quelques pauvres gens qui se serrent contre lui, François est retourné à cette sorte de fatalité qui pèse sur un paysan ignorant… C’est du moins ce qu’on croit au presbytère. On imagine que chez Marie-Anne le prêtre schismatique est sur la paille avec le Diable. Eh bien ! non, il est avec les anges. Il lit à ses deux compagnes éblouies les messages prophétiques que depuis l’exil lui envoie Léopold.

C’est l’esprit qui souffle de Londres qui maintint François au-dessus de l’animalité. Il vécut des lettres de son frère et d’une correspondance intarissable. Pendant cinq années, Léopold projeta jusqu’à Sion les grandes rêveries que Vintras élaborait. Elles consolèrent, enivrèrent le pauvre solitaire de la colline. Ce qu’il y avait d’enthousiasme et d’amour au fond de ces extravagances le sauva. Dans sa niche de Saxon, François Baillard est un