Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/323

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la ronde des sorciers. Léopold s’en retourna prendre, contre la fenêtre, son poste éternel de guetteur du ciel.

L’atmosphère dans cette masure devenait irrespirable. À la fin de la semaine, la nouvelle arrivait de Nancy, certaine et définitive : Monseigneur achetait le couvent, et l’on ajoutait que les oblats sollicitaient d’y établir des pères de leur congrégation. Aux yeux de Quirin, c’était la partie perdue. Il prit la décision de ne pas s’attarder davantage. Et bientôt, ce prêtre paysan, à la figure jaune et maigre, avec quelque chose à la fois de chétif et d’inusable, quitta Saxon pour se remettre avec la sœur Quirin sur la route de l’aventure. Il était las d’une religion dont l’autel ne nourrissait plus ses prêtres. C’est qu’il ne se faisait pas un sentiment assez poétique de lui-même pour se consoler de cette vie misérable, en songeant qu’il était un pontife errant sur les chemins et qui cache ses pouvoirs divins sous les fatigues d’un voyageur de commerce. N’accusons pas son prosaïsme. La vie auprès de Léopold voulait une âme trop tendue. Léopold n’était pas le prêtre, qui lit et médite les psaumes, mais le prophète qui les ressuscite dans sa propre destinée. Quirin voulait vivre, il devait s’en