Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/430

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ment, où donc atteignent-ils ? Le laboratoire de Faust, le burg de Manfred, l’île de Prospero brillent dans les nuages empourprés de l’horizon, mais ces fameux édifices, ces grands vaisseaux de clarté, balancés sur le noir couchant, ne diffèrent pas tant de la pauvre masure mystique des Baillard, debout, là en bas, sous mes yeux. Ce sont des châteaux de feu, des châteaux de musique, autant d’artifices qui se résolvent en baguettes brûlées dans la nuit.

Fugitives vibrations, accord d’une seconde avec la plus belle vie mystérieuse, hautes fusées rapides, franges multicolores au sommet d’une vague aussitôt aplanie. Où déposer le noble trésor qui n’est pas en sécurité au fond d’un génie éphémère ? Le chant de l’oiseau divin d’une minute à l’autre va se taire. Quel cœur accueillera ces longs cris dans la nuit ?

Quand le rossignol prélude, on n’entend pas une parole, un chant, mais une immense espérance. Des accents d’une vérité universelle s’élèvent dans les airs. Il louange sa femelle, l’humble rossignole invisible dans les feuillages, cependant il atteint tous les cœurs et, par-delà les cœurs, la divinité. Sonorité dans le jardin, plénitude dans nos âmes !