Page:Barrès - Les Traits éternels de la France, 1916, Émile-Paul.djvu/38

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jours qui suivirent, je gardai l’émotion religieuse qui m’avait saisi au moment de l’évocation des morts. J’éprouvais quelque chose de comparable à ce qu’on ressent après une communion fervente. Je comprenais que je venais de vivre des heures que je ne retrouverais plus jamais, durant lesquelles ma tête, ayant brisé d’un rude effort le plafond bas, s’était dressée en plein mystère, parmi le monde invisible des héros et des dieux.

« À cette minute, certainement, j’ai été soulevé au-dessus de moi-même. Il faut bien que cela soit, puisque j’ai reçu les félicitations de mes hommes. Pour qui a pratiqué les poilus, il n’est pas de Légion d’honneur qui vaille ces félicitations-là.

« Si je vous parais chercher, en vous faisant ce récit, une satisfaction de vanité, c’est que j’exprime bien mal mon sentiment, ma volonté. Je sais que je n’ai rien d’un héros. Chaque fois qu’il m’a fallu sauter le parapet, j’ai grelotté de peur, et la détresse qui m’a