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LE SYMBOLISME

virtuose. Il ajoutait pourtant que la poésie française était loin d’être décadente. Il en donnait la preuve en dévoilant l’incognito d’Adoré Floupette, c’est-à-dire en révélant Henri Beauclair, un débutant « qui promettait » et Gabriel Vicaire, le robuste poète des Émaux Bressans.

4. En réponse à l’article de Paul Bourde, Moréas tente aussitôt dans le XIXe siècle [1] de réfuter les principales et les plus graves assertions du critique. Et d’abord, il défend les décadents d’être des morphinomanes, amateurs de maladies et de sacrilèges : « Que M. Bourde se rassure, déclare-t-il ; les décadents se soucient fort peu de baiser les lèvres blêmes de la déesse morphine ; ils n’ont pas encore grignoté des fœtus sanglants ; ils préfèrent boire dans des verres à pattes plutôt que dans le crâne de leur mère-grand et ils ont l’habitude de travailler pendant les sombres nuits d’hiver et non pas de prendre accointance avec le diable pour proférer, pendant le sabbat, d’abominables blasphèmes en remuant des queues rouges et de hideuses têtes de bœuf, d’âne, de porc ou de cheval. Ce sont là de stupéfiants canards. » Il avoue que les décadents descendent de Baudelaire, de Vigny, qu’ils cherchent dans leur art le pur concept et l’éternel symbole tel que l’a défini Poe, qu’ils sont mélancoliques à la manière de tous les grands poètes du passé et que leur obscurité est due d’abord « à l’excès dans l’expression du sens qui ne doit être qu’insinué », ensuite à cette incapacité du poète « à pouvoir donner des oreilles aux sourds et des yeux aux aveugles ». Il confesse que les décadents ont repris et continué la révolution inaugurée par Victor Hugo, que Littré lui-même serait le premier à accueillir les trouvailles de leur style. Les poètes de la nouvelle école sont donc simplement des novateurs en avance sur leur siècle et auxquels l’avenir rendra justice.

5. Le 18 septembre 1885, la France Libre entreprit de dou-

  1. N° du 11 août 1885.