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LE SYMBOLISME ET LA PRESSE

cher cette ambition. Sous la signature d’André Vervoort, elle publia un portrait très ironique du décadent. Le décadent est, d’après ce journaliste, « un bipède intéressant à étudier, ordinairement blond et dont l’œil a des lueurs vagues. Il sait qu’il existe des omnibus à Paris et que le prix des places est de 0 fr. 30 à l’intérieur et de 0 fr. 15 sur l’impériale. Il est, avant tout, un rêveur qui mange quelquefois, le matin, à midi et à sept heures et demie. Quand il a soif, il boit un bock ; même le soir, sans être altéré, il boit plusieurs bocks. Il est vêtu comme la plupart de ses contemporains et il sait faire le nœud de sa cravate. Sa principale occupation consiste à s’ennuyer ; il fait aussi des livres, des recueils, des poésies et des romans, mais son but unique est d’écrire des choses que lui seul comprend. En ce qui concerne la description de la nature le décadent est borné ; il voit tout violâtre. Il est subventionné par la ville de Nice et ses personnages sont poitrinaires. Les femmes du décadent couchent sur des piles électriques. Elles sont ordinairement jolies, ont des yeux noirs, profonds et voilés, mais elles sont maigres. Le décadent est mystique, superstitieux, spirite. Sa mission est de prouver aux hommes de vingt ans que la vie est une sottise. Il s’est érigé en poète des raffinements bêtes et des exquisités ridicules. C’est un malheureux par persuasion. En résumé, le décadent est un fumiste. »

6. Le Figaro du 22 septembre renforça le feu de ces plaisanteries par une eau-forte à La Bruyère qui parut être la consécration du ridicule. Voici dans sa typographie curieuse ce médaillon du décadent.