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LE SYMBOLISME

en peignant l’aspect extérieur des choses, il est parvenu à exprimer l’inexprimable. Il l’admire parce qu’il possède cette merveilleuse puissance « de fixer avec une étrange santé d’expressions les états morbides les plus fuyants, les plus tremblés des esprits épuisés et des âmes tristes ». Après Baudelaire, il est peu d’écrivains français qui méritent les honneurs de sa bibliothèque. Le « grand rire de Rabelais », le « solide comique de Molière » ne réussissent pas à dérider des Esseintes. Toutefois, il lit les ballades mélancoliques de Villon, les morceaux virulents, les apostrophes les anathèmes de d’Aubigné, goûte Bossuet, Bourdaloue, Nicole et surtout Pascal, mais se soucie peu de Voltaire, de Rousseau et de Diderot. A part ces quelques livres la littérature française commence pour lui avec le xixe siècle. Il la divise en deux groupes : l’un comprenant la littérature ordinaire, profane, l’autre la littérature catholique, littérature spéciale et à peu près inconnue. En ce qui concerne cette dernière, il fait immédiatement justice des produits trop innocents ou trop filandreux de la littérature catholique. Après avoir trouvé particulièrement insupportable l’abbé Lamennais et le comte Joseph de Maistre, il garde comme livre de chevet l’Homme, d’Ernest Hello, l’antithèse absolue de ses confrères en religion. Le Prêtre marie et les Diaboliques de Barbey d’Aurevilly captivent aussi son attention, car il ne s’intéresse guère qu’aux œuvres « mal portantes, minées et irritées par la fièvre » et celles de Barbey d’Aurevilly sont encore pour lui les seules « dont les idées et le style présentassent ces faisandages, ces taches morbides, ces épidermes talés et ce goût blet qu’il aime tant à savourer parmi les écrivains décadents latins et monastiques du vieux âge ».

De la littérature profane les maîtres qu’il estime sont Flaubert, Goncourt et Zola. Mais à leurs chefs-d’œuvre réalistes ou naturalistes, il préfère leurs ouvrages plus teintés d’idéalisme. La Tentation de saint Antoine passe selon son goût, avant l’Éducation sentimentale, la Faustin