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LES CHAPERONS DU SYMBOLISME

assez le caractère décadent. Pureté, Infamie, les Cyclamens, les Ægipans, Tapora prête l’oreille aux conversations qui s’échangent et note quelques-uns des paradoxes les plus habituels aux poètes de la nouvelle école. Il entend affirmer que l’amour est une chose plate, misérable, répugnante, écœurante. « Pour y trouver quelque piment, il faudrait imaginer des complications invraisemblables. L’inceste est coquet, mais rien de plus. Il serait bon qu’en aimant on pût se sentir irrémissiblement damné. Ce serait alors une sensation rare et exquise.

— Luther était bien heureux, interrompt le jeune Flanbergeot ; il était le mari d’une religieuse. Je voudrais être l’Antéchrist.

Alors un très jeune homme, de la physionomie la plus fine et la plus intéressante, qui jusqu’à ce moment avait gardé le silence, soupira : « A quoi bon ? Tout n’est-il pas vain ? Les contemplations, les extases ont à tout jamais remplacé la maussade réalité. Il vaut mieux imaginer que savoir. Il n’y a de vrai que les anges parce qu’ils ne sont pas. » En manière de conclusion, il tend à Tapora une seringue de Pravaz. Le jeune homme refuse.

— Pourtant, s’écrie Carapatides, un gaillard taillé en hercule, avec des épaules trapues, il faut rendre à la décadence romaine cette justice qu’elle a bien compris l’amour. A force d’inventions perverses et d’imaginations sataniques, elle est arrivée à le rendre tout à fait piquant. « L’amour est une fleur de maléfice qui croît sur les tombes, une fleur lourde aux parfums troublants. »

— Avec des striures verdâtres, glisse le jeune Flambergeot.

— Oui, avec des striures et des marbrures où s’étale délicieusement toute la gamme si nuancée des décompositions organiques. Les plantes naturelles sont bêtes et niaises ; elles se portent bien. Oh ! la santé ! Une belle tête exsangue avec de longs cheveux pailletés d’or, des yeux avivés par le crayon