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LES CHAPERONS DU SYMBOLISME

nuances fugitives. Pour cela la langue française était trop pauvre. « La forme de Corneille, du bon La Fontaine, de Lamartine, de Victor Hugo, était d’une innocence invraisemblable. Une attaque de nerfs sur du papier, voilà l’écriture moderne ! » Les mots sont vivants. Ils ne peignent pas ; ils sont la peinture elle-même ; il y en a de verts, de jaunes et de rouges comme les bocaux d’une officine. Et ce n’est pas tout. Les mots chantent, murmurent, susurrent, clapotent, roucoulent, grincent, tintinnabulent, claironnent et… comme Floupette imite un peu trop haut la musique des mots, la voisine se fâche et réclame avec le silence son droit au sommeil. Tapora comprend qu’il est temps de s’esquiver. Il souhaite bonne nuit à Floupette et part.

Le lendemain, Floupette va le voir chez son vénéré maître, M. Poulard des Roses. Le poète décadent est invité à déjeuner ; il fait grand honneur à la côtelette et il veut bien réciter un poème impressionnant : La Mort de la Pénultième. M. Poulard n’y comprend absolument rien. Tapora non plus, mais il applaudit de confiance heureux d’être un pharmacien décadent. A la fin de sa préface, Tapora éprouve le besoin de faire au public un aveu. Ce dîner chez M. Poulard a décidé de ses goûts littéraires. Il s’est mis à piocher les symbolistes. A force de courage, d’obstination et de travail, il est arrivé à les comprendre un peu, mais pas tous. Si Bleucoton (Verlaine) lui est plus accessible. Arsenal (Mallarme) lui donne en revanche bien du fil à retordre.

Un liminaire, en langage ordinaire une introduction, suit cette préface. Les auteurs y paraphrasent, dans le jargon symboliste, cet axiome de la poétique verlainienne : « Et tout le reste est littérature. » Curieux non seulement à cause de sa terminologie, mais encore des demi-teintes amusantes qu’il essaie de fixer, ce pastiche décadent ne souffre pas l’analyse. Il faut le lire en entier pour en savourer le double caractère excentrique et ironique :

« En une mer, tendrement folle, alliciante et berceuse