Page:Barre - Le Symbolisme, 1911.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
154
LE SYMBOLISME

flagelle d’une dernière ironie le gâtisme qui, pour beaucoup, paraissait être la véritable Muse des poètes nouveau style :

Nos Pères étaient forts et leurs rêves ardents
S’envolaient d’un coup d’aile au pays de Lumière,
Nous dont la Fleur dolente est la Rose Trémière,
Nous n’avons plus de cœur, nous n’avons plus de dents !

Pauvres pantins avec un peu de son dedans,
Nous regardons sans voir la ferme et la fermière.
Nous renâclons devant la tâche coutumière,
Charlots trop amusés, ultimes Décadents !

Mais, ô Mort du Désir ! Inappétence exquise !
Nous gardons le fumet d’une antique Marquise
Dont un Vase de nuit parfume les Dessous !

Être Gâteux, c’est toute une philosophie,
Nos nerfs et notre sang ne valent pas deux sous,
Notre cervelle au vent d’été se liquéfie.


Deux satires composent donc cet opuscule des Déliquescences. L’une en prose énumère dans la langue de tout le monde les griefs que l’autre s’efforce par des vers ironiques de rendre sensibles au bon sens du lecteur. La première reproche aux Décadents de manquer d’originalité vraie. C’est après avoir honoré toutes les écoles et toutes les formules d’un enthousiasme égal que Floupette sombre dans le bizarre. Le Décadent s’est noyé dans le flou. Le nuageux a été regardé par lui comme le Principe poétique ; pour l’atteindre, il a affiché des mœurs peu recommandables, contracté la manie des excitants et des stupéfiants. L’alcool et la morphine sont désormais les agents du délire poétique, la perversité sous toutes ses formes, le sésame grâce auquel s’ouvrent les portes du nouvel Olympe, le petit nègre mythologique, le style original des divagations symbolistes. Dans la seconde partie, la satire se fait plus personnelle ; si l’on vise encore les habitudes les plus communes aux décadents, on dénonce plus particulièrement le logogriphisme maniériste de Mallarmé, le mysticisme libertin de Verlaine, l’exotisme de Moréas, l’halluci-