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MALLARMÉ

absolument nouveau serait dérouter le lecteur. Il y a du plaisir à retrouver sous des formes inattendues des mètres déjà connus ; il ne faut pas dans le vers de révolution, mais une évolution lente qui habituera progressivement le lecteur aux nouveautés métriques et au bout de laquelle le vers n’en sera pas moins transformé. « Si, au cas français, invention privée ne surpasse le legs prosodique, le déplaisir éclaterait, cependant, qu’un chanteur ne sut à l’écart et au gré de ne pas dans l’infinité des fleurettes, partout où sa voix rencontre une notation, cueillir… La tentative, tout à l’heure, eut lieu, et, à part des recherches érudites en tel sens encore, accentuation, etc… annoncées, je connais qu’un jeu séduisant se mène avec les fragments de l’ancien vers reconnaissables, à l’éluder ou le découvrir, plutôt qu’une subite trouvaille, du tout au tout étrangère. Le temps qu’on desserre les contraintes et rabatte le zèle, où se faussa l’école. Très précieusement : mais, de cette libération à supputer davantage, ou, pour de bon, que tout individu apporte une prosodie, neuve, participant de son souffle — aussi, certes, quelque ortographe — la plaisanterie rit haut ou inspire le tréteau des préfaciers. Similitude entre les vers, et vieilles proportions, une régularité durera parce que l’acte poétique consiste à voir soudain qu’une idée se fractionne en un nombre de motifs égaux par sa valeur et à les grouper ; ils riment ; pour sceau extérieur, leur commune mesure qu’apparente le coup final [1]. » Mallarmé avait essayé de donner un spécimen de cette évolution dans son Après-midi d’un faune, où de son propre aveu « il avait essayé, à côté de l’alexandrin dans toute sa tenue, une sorte de jeu courant pianoté autour, comme qui dirait d’un accompagnement musical fait par le poète lui-même et ne permettant au vers officiel de ne sortir que dans les grandes occasions [2] ». Mallarmé admettait donc les dissonances voulues ; il préconisait le vers libéré de Verlaine, mais son ambition

  1. Divagations : Crise de vers.
  2. Jules Huret, Enquête sur l’évolution littéraire, p. 62.