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LE SYMBOLISME

déclare Moréas, est rétranchée comme inutile à présent. » Le plan même de l’ouvrage est notablement modifié. Les poèmes groupés sous le titre général, Autant en emporte le vent, ont disparu. Ils formeront un recueil à part, « la troisième des œuvres de jeunesse de l’auteur », suite naturelle des Syrtes et des Cantilènes, développement des principes énoncés dans le Manifeste du Figaro et exemples symptomatiques de la seconde manière de l’écrivain. En revanche, Moréas ajoute au nouveau Pèlerin, des poèmes d’une inspiration moins nuageuse et d’un rythme plus tempéré : Énone au clair visage et Sylves nouvelles. De plus en plus le poète abandonne le principe de l’interprétation symbolique. Les correspondances l’inquiètent moins que le fait réel ; il ne cherche plus à démêler le sens obscur des légendes et à parer de leurs grâces mystérieuses des états de conscience inquiète. Sans aller jusqu’à considérer « dans les idées, les sentiments, l’histoire et la mythique, le fait particulier comme existant en soi poétiquement », il affecte un dédain plus marqué aussi bien pour l’allégorie que pour l’analogie. Il n’ose pas encore brûler ce qu’il a adoré, mais il se sent à l’étroit au milieu des procédés techniques de l’art symboliste. Il s’évade doucement en pèlerin désenchanté à la recherche d’une issue qui lui rendra sa liberté de penser et de sentir. Sa versification garde l’empreinte des mêmes tendances. Il semble qu’elle se soit assagie. Les innovations, par lesquelles il croyait jadis utile d’aviver l’ancienne métrique, se sont faites plus rares. Celles qui persistent sont en tout cas notablement atténuées. Les rejets moins nombreux ne sont guère utilisés que pour un effet défini. La césure est plus fixe, la mesure du vers plus immédiatement perceptible. Une grande partie des poèmes sont même écrits en vers réguliers. À peine quelques mètres inégaux, mais moins, beaucoup moins de vers libres. La rime est, dans la plupart des cas, soigneusement observée ; seulement le poète continue à s’affranchir des sonorités trop riches et croit juste de