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LE SYMBOLISME



5. Trois poètes ont donc dominé le symbolisme, ou plutôt synthétisé les tendances hétérogènes du mouvement : Verlaine qui fludifie le vers en le musicalisant, Mallarmé qui le comprime en l’orchestrant, Moréas qui lui rend sa plasticité traditionnelle, ni excès de fluidité, ni excès de cohésion, ce rien de trop, seul critérium de beauté recommandée par les classiques. Ces trois poètes ne sont pas tous chronologiquement les initiateurs de ces réformes. Ils y ont été précédés ou accompagnés par d’autres écrivains qui, du seul point de vue des dates pourraient avant eux ou en même temps qu’eux revendiquer la paternité des nouveautés symbolistes. Mais les circonstances, au milieu desquelles s’est développé l’activité de ces trois privilégiés, ont fait d’eux, pour l’historien critique, comme les bornes indicatrices des voies différentes où se sont engagés les symbolistes. Il convient pour cette raison, de grouper sous leur nom, les poètes dont le génie possède avec le leur des points de contact, de ressemblance ou de sympathie. Là encore la difficulté n’est pas minime. Car aucun de ceux dont l’œuvre figure un aspect de la réforme symboliste n’est exclusivement le disciple de Verlaine, de Mallarmé ou de Moréas. Ils ont souvent pratiqué les audaces plus spéciales à l’un ou à l’autre des trois maîtres du symbolisme, tout en restant cependant plus voisin de l’un que de l’autre. Aussi ne peut-on dire que tel est verlainien et nullement mallarméen, mais qu’il est plus verlainien que mallarméen. Sous le bénéfice de ces observations et pour la clarté de l’exposition, les poètes symbolistes peuvent être répartis en groupes, au sein desquels il est possible de suivre l’évolution souvent extrême des principes posés par les protagonistes du symbolisme. Il y en aura trois avec pour étiquette les noms de Verlaine, de Mallarmé et de Moréas :

1° Les verlainiens, ou ceux qui, à l’exemple de Verlaine, ont desserré l’instrument poétique ;

2° Les mallarméens, ou ceux qui, à l’exemple de Mallarmé, ont resserré jusqu’à le briser l’instrument poétique ;