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LES VERLAINIENS


Il répète le même mot en lui ajoutant des épithètes de gradation ascendante :


Un or magique, un or mystique, un or de flamme[1].


Il rappelle soit les mêmes mots, soit la même phrase, comme un refrain qui martèle dans l’esprit lidée obsédante [2], accouple des rimes du même sexe dont il brise soudain les consonnances uniformes par l’introduction d’une rime différente comme en fournit l’exemple : En Forêt qui rime ainsi :


A A B A
B B C B… etc.,


ne dédaigne pas, après de longues réflexions, de suspendre brusquement le sens pour faire place à ces exclamations dolentes et vagues si chères aux décadents, pousse la virtuosité jusqu’à construire des poèmes entiers en mètres impairs, ce qui donne à ses vers comme un faux air de traduction [3] et trouve enfin dans l’harmonie imitative de quoi galvaniser la plasticité de son vers :


Lestement, sourdement des vêpres sonnent
Dans la grand’paix de cette vague ville ;
Des arbres gris sur la place frissonnent,
Comme inquiets de ces vêpres qui sonnent[4]


La muse de Louis Le Cardonnel est triste. La vie lui laisse des regrets que l’espérance chrétienne n’apaise pas toujours. Elle chante l’automne, la saison du recueillement après des épreuves désolantes. Elle se console dans la foi sans être complètement assurée qu’elle y rencontrera la certitude absolue et elle soupire doucement dans une musique assez savante pour qu’on y surprenne l’écho de toutes les douleurs qu’elle n’avoue pas. Verlaine criait son mal et suppliait Dieu de lui porter secours. Le Cardonnel est un chrétien

  1. En Forêt.
  2. Cf. Ville morte, le quatrième vers de chaque strophe.
  3. Cf. A un jeune aède.
  4. Ville morte.