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LE SYMBOLISME

vers du même sexe ; il a des hiatus, des repos hasardés, des mesures aventureuses [1]. Enfin il se risque à des allitérations et à des rejets d’une habileté périlleuse mais incontestable [2]. Ces particularités de versification sont un peu le patrimoine de tous les verlainiens. La véritable originalité de Samain réside surtout dans la façon dont il a manié le sonnet et dans l’ordonnance antitraditionnelle de la strophe. Le sonnet est pour lui le prétexte d’une virtuosité magistrale dans la combinaison des rimes ; il ose en outre l’allonger d’un vers par l’addition après le dernier tercet d’un quinzième vers [3]. Pour la strophe, il adopte les modèles classiques, mais il n’observe pas le principe de l’alternance des rimes. Enfin, les rimes féminines en ie ont pour lui un attrait spécial et il se plaît à les accumuler dans les stances finales. Le sonnet de Canope en fournit l’exemple ; il se termine ainsi :

Car il le sent, jamais, jamais plus dans sa vie
Il ne retrouvera l’adorable accalmie
La nuit et le silence et cette mer amie
Et ce baiser dans l’ombre à Canope endormie.


Ces licences sont anodines à côté de celles que préconisent les disciples de Mallarmé.

Samain a fait preuve de la même réserve dans sa syntaxe et dans sa lexicographie. Il évite avec soin tout ce qui pourrait avoir un caractère antigrammatical. Sans doute il écrit : Tu souriais un sourire aminci, mais Bossuet disait déjà au xviie siècle : Dormez votre sommeil. Le participe prend volontiers chez lui la place de l’infinitif. Que est souvent employé pour combien, à pour vers, chez, entre, par, pour en, pour, dans. En ce qui concerne le vocabulaire, il accepte les bénéfices de la révolution romantique. Il détermine des substantifs par des génitifs d’un sens inattendu : un flot de

  1. Cf. Keepsake.
  2. Les poèmes d’Au Flanc du vase.
  3. Automne.