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LE SYMBOLISME

comme eux pénétré de tristesse, mais ce qui fut chez les autres effet pathologique, est chez lui produit par la réflexion philosophique. Mæterlinck a la curiosité et l’appréhension du mystère. Alors que son condisciple et ami, Charles Van Lerberghe, a sur l’inconnaissable des Entrevisions et en évoque l’étrangeté derrière une buée plus ou moins lumineuse, Mæterlinck médite longuement sur ce même inconnaissable, et de cette réflexion exaspérée, il rapporte, outre une conception originale de la vie, cette langueur inévitable du méditatif qui sait enfin, qu’en retour d’un maximum d’effort, l’inconscient ne dévoile à l’homme qu’un minimum presque infinitésimal de vérité.

Mæterlinck semble avoir été surtout frappé par l’extension, durant ce dernier siècle, des phénomènes psychologiques. L’âme, de plus en plus, paraît dominer et diriger la matière. L’hypnotisme, le spiritisme, la télépathie, toutes ces manifestations du dédoublement ou du prolongement de la personnalité humaine, indiquent le progrès constant de l’élément psychologique sur l’élément physique. « Il est certain, constate Mæterlinck, que le domaine de l’âme s’étend chaque jour plus… On dirait que nous approchons d’une période spirituelle. » Il est d’autant plus convaincu de cette spiritualité prochaine qu’il a pu remarquer combien les actions de la vie active n’étaient souvent que le reflet ou la conséquence d’une vie intérieure, absolument cachée aux regards d’autrui : « L’on trouve partout, à côté des traces de la vie ordinaire, les traces ondoyantes d’une autre vie qu’on ne s’explique pas… L’âme est aujourd’hui bien plus près de notre être visible et prend à tous nos actes une vie bien plus grande qu’il y a deux ou trois siècles. » En d’autres termes, nous sommes le théâtre d’une double vie : une vie consciente dont les actes s’expliquent avec précision ; une vie subconsciente au sein de laquelle s’élaborent des tendances inconnues, dont nous avons par intervalle des perceptions confuses, et qui, pourtant, parvenues à un certain degré de