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LES VERLAINIENS

pièces de théâtre dans lesquelles le poète a complètement élaboré sa philosophie. Les Douze chansons sont comme la synthèse philosophique de son œuvre ; elles découvrent aussi, du seul point de vue critique, l’originalité réelle du poète.

Serres chaudes ne se distinguent que par un symbolisme plus livresque que réel. Le symbole y est, selon l’expression même de Mæterlinck, a priori. Il est créé de propos délibéré. Le poète sacrifie aux goûts du jour, en introduisant le décor de convention, en abusant d’un procédé trop facile, celui de la faune et de la flore symboliste. Il écrit par exemple : « Les chiens jaunes de mes péchés, les hyènes louches de mes haines, les lions de l’amour couchés, les brebis des tentations, les chiens secrets des désirs, les meutes de mes songes, les cerfs blancs des mensonges, les paons de l’ennui, les roses de joie, le lin des lombes. »

Quant à la versification, il y a peu ou point d’innovations rythmiques. Les vers sont réguliers, groupés en quatrains avec rimes différemment alternées, mais sans entorses aux usages reçus de la prosodie. Entre ces poèmes à forme classique, s’intercalent des pages en prose poétique ; on ne saurait en effet considérer comme des vers libres ces lignes inégales, ni rimées, ni même assonancées dont la cadence est parfaitement indéfinissable. Assurément, elles ont un accent particulier, mais nulle part, Mæterlinck n’a renouvelé cette tentative, et nulle part il ne s’est déclaré partisan du vers libre. Il reste sur ce point le disciple fidèle de Verlaine, dont il reprend les libertés, avec ampleur il est vrai, dans ses Douze chansons.

Ici le symbole n’est plus forgé de toutes pièces au préalable et ne commande pas à l’idée. Il est beaucoup plus inconscient et se dégage du poème à l’insu de son auteur [1]. Il s’ensuit que le symbole n’est plus une allégorie, « mais la fleur même de la vitalité du poème ». L’esprit n’a plus à interpréter une image assez froide ; il est immédiatement conquis

  1. Cf. Jules Huret, op. cit., p. 125.