Si la poésie n’a que faire du procédé et de l’éloquence, elle
se moque aussi bien de ce lyrisme subjectif où s’abimèrent
les derniers romantiques, que de la forme brillante et vide
des parnassiens. Le vrai poète n’a pas de chant ; il oublie de
peindre ; il voit et parce que voir est un aveuglement, il
contemple son rêve. Le poète est un songe-creux.
… Bien profond, il resta dans son rêve
Sans lui donner la forme en baudruche qui crève
Sans ouvrir le bonhomme et se chercher dedans[1].
La poésie n’a rien d’artificiel. C’est pour chacun l’image
de sa propre existence.
La poésie est : vivre
Paresser encore et souffrir…
Or, pour lui, vivre c’est s’amuser aux feux d’artifice de
son esprit. Il blague, il plaisante comme un gamin de la rue
ou comme un marin en bordée. Il a ce talent du rire à l’emporte-pièce
où domine l’irrévérence :
Vous qui ronflez au coin d’une épouse endormie,
Ruminants ! savez-vous ce soupir : l’insomnie ?
C’est le début de sa Litanie du sommeil. Il manque de
galanterie, mais Corbière méprise souverainement la femme.
Il lui consacre un poème auquel il donne pour titre cette épithète
désobligeante : A l’éternelle Madame et il l’y traite de
Mannequin idéal, tête-de-turc du leurre
Éternel Féminin…
Sois femelle de l’homme et sers de Muse, ô femme.
Il y a là de la brutalité et de l’impudence. C’est un acheminement vers le cynisme où Corbière se complaît avec délices. Il aime, en effet, les rapprochements inattendus, et
- ↑ Décourageux.