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LE SYMBOLISME

des Exilés se retrouvent avec plus ou moins de bonheur dans presque tous ses poèmes érotico-mystiques.

Quant à la versification, elle est d’une sagesse louable. La rime est toujours honorable. Les césures sont soigneusement marquées à leur place traditionnelle. Aucun rejet. Sauf la pédanterie voulue de certains termes et le souci de l’extraordinaire dont le Sonnet des voyelles prouve l’obsession, Rimbaud, comme inspiration et comme forme, paraît n’être qu’un élève encore inexpérimenté du Parnasse.

Mais sa maladie va se développer. Les conceptions grotesques vont définitivement chasser les pensées exquises, les couleurs fortes et criardes succéder aux images élégantes, précises et sobres. Le poète érigera l’hallucination simple en procédé littéraire : « Puis, dit-il, j’expliquai mes sophismes magiques avec l’hallucination des mots. Je finis par trouver sacré le désordre de mon esprit. J’étais oisif en proie à une lourde fièvre ; j’enviais la félicité des bêtes, les chenilles qui représentent l’innocence des limbes, les taupes, le sommeil de la virginité.

» Mon caractère s’aigrissait. Je disais adieu au monde dans d’espèces de romances (comme celle qu’il intitule : Chanson de la plus haute tour). J’aimais le désert, les vergers brûlés, les boutiques fanées, les boissons tiédies. Je me traînais dans les ruelles puantes et, les yeux fermés, je m’offrais au soleil, dieu de feu.

» Général, s’il reste un vieux canon sur tes remparts en ruine, bombarde-nous avec des blocs de terre sèche. Aux glaces des magasins splendides ! dans les salons ! Fais manger sa poussière à la ville. Oxyde les gargouilles. Emplis les boudoirs de poudre de rubis brûlante…

» Oh ! le moucheron, enivré à la pissotière de l’auberge, amoureux de la bourrache et que dissout un rayon ! »

À cette deuxième phase appartiennent les pires et les meilleures poésies de Rimbaud. C’est au début de la période, des morceaux étranges où tout est excessif, aussi bien le