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LES MALLARMÉENS


tel est Verhaeren. C’est une force qui se développe avec cette brutalité d’inspiration et de forme qui caractérise les vrais tempéraments, un poète assoiffé d’infini mais chargé de cette électricité humaine dont l’énergie s’épuise à glorifier avec joie les labeurs réalistes de la vie quotidienne. En lui, l’harmoniste ne fait que souligner les dons du romantique. Toutefois, si Verhaeren prend avec la métrique des libertés de prophète inspiré, il laisse à d’autres la charge de transformer dans son principe fondamentale la prosodie française. L’honneur et la responsabilité d’une pareille tâche reviennent au théoricien de l’école verslibriste, Gustave Kahn.


II. — Les Verslibristes


7. Gustave Kahn. — D’après Gustave Kahn [1], le symbolisme n’a que de très vagues rapports avec une renaissance de l’art classique. Le courant néo-grec est dans la tradition française. Il se fût manifesté, même si l’on n’eût pas publié les manuscrits de Chénier. Vigny, qui, il est vrai, connaissait Chénier, écrivait des poèmes du même genre antique. Il suffit pour s’en convaincre de relire Siméta. Moréas, qui s’est fait dans notre littérature le champion de la muse néo-greque, ne doit de figurer au milieu du symbolisme qu’à certaines circonstances de chronologie. En réalité, il n’est qu’une manière de Heredia plaqué sur le symbolisme. Le mouvement symboliste n’est nullement une invasion de l’exotisme gréco-classique. Il dérive directement de Gérard de Nerval et surtout de Baudelaire, c’est-à-dire qu’il a son origine naturelle dans le romantisme.

Au début le romantisme, révolté contre l’intransigeance des derniers classiques, avait prétendu n’être qu’une littéra-

  1. La plupart des idées qu’on va lire dans ce paragraphe m’ont été développées par Gustave Kahn lui-même, au cours d’un entretien sur ses théories.