Page:Barre - Le Symbolisme, 1911.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
336
LE SYMBOLISME

sement faux exprès ». Mais ici encore il y a confusion entre le vers libéré et le vers libre. Verlaine dans Jadis et Naguère, Rimbaud dans les Illuminations ont brisé, disloqué le vers et donné aux rythmes impairs droit de cité. Tout cela cependant n’était que dissonances habiles sur la métrique ancienne. Il n’y avait pas de rythmique nouvelle. Verlaine et Rimbaud sensibilisaient le vers classique, ils en modifiaient la forme, ils n’en changeaient pas le principe. Or, Gustave Kahn n’est pas seulement un poète « épris de questions de césure ou particulièrement doué dans la recherche d’un vocabulaire rare et renouvelé ». Il ne lui paraît pas suffisant de « jouer sur le rythme et d’agrandir les perspectives de la symétrie ». Il ne prétend pas faire consacrer par le succès, une déviation plus ou moins originale de l’ancienne métrique. Il désire trouver un « rythme absolument personnel qui soit suffisant pour interpréter ses lyrismes avec l’allure et l’accent qu’il leur juge indispensables ». Il veut faire de l’ancienne métrique un mode particulier et dédaigné d’une métrique nouvelle plus ample, plus libérale, enfin affranchie des formes fixes et des traditions désuètes.

Comment réaliser ce programme ? Il fallait d’abord faire de justes remarques sur les réformes tentées par les écoles antérieures, Gustave Kahn s’est demandé pourquoi les poètes qui avaient le plus attenté à la forme traditionnelle du vers s’étaient bornés dans leurs essais de réforme à quelques innovations de césure ou de rejet. La cause en est, d’après lui, que la plupart de ces poètes ne se sont jamais fait une idée exacte de ce qu’était l’unité principale du vers. Il faut savoir qu’un vers est un organisme et que, comme tel, il possède une unité organique, une cellule métrique. L’association de plusieurs de ces cellules constitue le vers. C’est une erreur de croire que l’alexandrin n’est qu’un vers composé de douze syllabes, coupé par un repos après le sixième pied. Cette règle formulée par Boileau est contraire à l’anatomie exacte du vers. La chose est si vraie que les grands