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LES MALLARMÉENS

qu’elles concernent la musicalité du vers. Pour bien saisir ici la pensée de Gustave Kahn, il faut avoir recours à la terminologie musicale. Le vers classique est orchestré suivant une mesure à deux temps. Le vers symbolique est orchestré suivant la mesure qui convient à l’intensité de sensation et d’expression. Elle est infiniment variable. Elle est en général donnée par le vers principal de la strophe, sur les temps duquel sont écrits tous les autres vers. C’est ce que Gustave Kahn appelle l’accent d’impulsion. Il en définit ainsi le rôle : « Nous avons bien en français un accent tonique ; mais il est faible et cela tient à l’amalgame que fit Paris des prononciations excessives et différentes des provinces, les usant pour en constituer une langue modérée, calme, juste milieu ; quant au retentissement des consonnes et au chant des voyelles, neutre de préférence à bariolée. Cet accent tonique qu’on pourrait relever dans les mots, en les laissant immobiles, soit en les citant à la file, en exemples, disparaît à la conversation, à la déclamation, ou mieux, il ne disparaît point, mais se modifie. Il y a donc un accent général qui, dans la conversation ou la déclamation, dirige toute une période, ou toute une strophe, y fixe la longueur des valeurs auditives, ainsi que les timbres des mots. Cet accent semblable chez tout le monde, en ce sens que chaque passion, chez tous, produit à peu près le même phénomène, accélération ou ralentissement, semblable au moins en son essence, cet accent est communiqué aux mots, par le sentiment qui agite le causeur ou le poète, uniquement, sans souci d’accent tonique ou de n’importe quelle valeur fixe qu’ils possédaient en eux-mêmes. Cet accent d’impulsion dirige l’harmonie du vers principal de la strophe, ou d’un vers initial qui donne le mouvement, et les autres vers, à moins qu’on ne recherche un effet de contraste, se doivent modeler sur les valeurs de ce vers telles que les a fixées l’accent d’impulsion [1]. »

  1. Préface sur le vers libre.