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LES MALLARMÉENS

cables, à condition de n’entraver en rien la fantaisie du poète. La rime n’est pas proscrite. On lui défend seulement de donner « le coup de cymbale » à la fin du vers. On la réduit assez souvent à l’assonance ; mais on ne nie pas son importance, puisqu’au lieu de l’employer en place finale on la trouve à l’intérieur d’un vers correspondant à d’autres rimes intérieures, partout « où convie à l’appeler non la symétrie mais la rythmique fidèle au sens [1] ».

La réforme tentée par Gustave Kahn n’a donc rien à voir avec l’introduction dans notre poétique des procédés spéciaux aux prosodies étrangères.

Il n’a pas voulu organiser la phrase poétique d’après la valeur de l’accent tonique, puisqu’il a reconnu lui-même que cet accent tonique était en français excessivement faible, et qu’il a pris soin de distinguer l’accent d’impulsion de l’accent tonique. En conséquence, il n’a ni renouvelé en français le jeu des brèves et des longues, ni transporté dans notre langue la prosodie grecque, latine, allemande ou anglaise. Il a seulement entrepris de diversifier la mesure classique du vers. Pour cela, il a disséqué l’alexandrin et en a cherché les parties constitutives. La syllabe n’a plus été l’unique élément organique ; l’association de vocables ayant une unité de sens et de forme est devenue la cellule initiale. A une mosaïque de syllabes, il a substitué un corps vivant, aux organes en relations étroites les uns avec les autres, et manifestant la vie en toute liberté sans cette gangue académique dans laquelle étouffait le vers classique. Le vers et la strophe sont ainsi devenus polymorphes. Pas de règles tyranniques : « Nous suivons l’instinct populaire, déclare Kahn ; nous scandons avec le ton de la conversation. Nous libérons le vers de toutes les entraves extérieures pour ne lui laisser que sa forme de sentiment… Par là nous permettons au poète de concevoir en lui son vers ou plutôt sa

  1. Préface sur le vers libre.