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LE SYMBOLISME

plètement soi, en croyant imperturbablement à l’Idéal,

Dans l’orgueilleux dédain des mépris et des gloires.[1]


10. Édouard Dujardin. — Après Kahn, théoricien original du verslibrisme, après Laforgue, praticien instinctif de l’anarchie littéraire, à côté de Vielé-Griffin qui sait avec mesure allier le tempérament dogmatique de l’un à la spontanéité rythmique de l’autre, bien des poètes ont, dans leur jeunesse au moins, tenté d’illustrer le verslibrisme. Non qu’ils aient adopté la thèse de Kahn, ni suivi pas à pas l’exemple de Laforgue ou de Vielé-Griffin, mais ils ont selon leur personnalité sacrifié à l’esprit d’individualisme, principe essentiel du verslibrisme. Indépendants, ils ont essayé de se réaliser avec plus ou moins d’originalité, en dehors de toute école et de toutes règles définies.

C’est le cas d’Édouard Dujardin, d’abord épris de questions linguistiques, qui, par dégoût de l’artificiel, se libère avec la Comédie des amours des entraves que la mode du jour avait imposées à sa Muse : « L’auteur, déclare-t-il dans la préface de cet ouvrage, se défend de rien avoir voulu bouleverser. Une grande répugnance pour l’impassibilité marmoréenne des poètes du Parnasse, une haine croissante de ce que les littérateurs appellent le décor, l’avaient conduit à la recherche d’une poésie purement sentimentale ; c’est semblablement que son dégoût de la perfection factice, où les derniers poètes parnassiens ont amené le vers, lui a fait rêver à lui et à quelques autres jeunes gens une forme primesautière, libre de règles comme de canons, toute d’instinct et qui fût la simple expression des émotions qu’ils auraient à conter… Et un beau soir il a essayé une sorte de vers libre qu’il soumet au seul juge ès arts reconnu : le public. L’auteur a débuté il y a quelques années en publiant plusieurs livres de prose pleins de recherches lexicologiques et gram-

  1. Un Poème à la mer.