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LE SYMBOLISME

tique lui-même hésitait, paraît-il, à se prononcer. Il apporta le même talent d’assimilation à faire triompher les préceptes de l’école romane. S’il commet encore dans le Signe un sonnet Après Vêpres qui sent fort son Coppée et une Berceuse renouvelée de Verlaine, s’il rivalise de préciosité avec Voiture dans ses vers A Lise impitoyable [1], dans les débuts du Suffrage de l’amour [2] ou dans le cours de son Poème héroïque [3], il rencontre des alexandrins heureux à reproduire dans les élégies les grâces des maîtres de l’ancienne pléiade, comme les six vers qui terminent le poème Déesse triple, ô flamme inégale du ciel [4], les deux tiers d’Anacréon par qui l’amour même a parlé [5]. Il réalise aussi de curieux effets d’évocation soit qu’il s’étonne devant le fils illustre des dieux depuis mille ans

emprisonné dans la grâce du même geste[6],


soit que le chêne parle [7], soit qu’un beau midi se mire aux tranquilles bassins, soit enfin que Narcisse désolé atteste les forêts de son désespoir [8]. Quant à Ronsard il en retrouve la hautaine ambition [9], à défaut de la forme même qu’il atteint d’ailleurs souvent avec trop de bonheur [10]. Le don du pastiche est en lui si généreux que le poète l’étend aux adversaires les plus avérés de Ronsard et de son école et qu’il s’attache peut-être inconsciemment à ressusciter les grâces un peu sèches de Malherbe lui-même : Va, dit-il, par exemple dans l’Ode printannière [11],

  1. Surtout le sonnet III. Cf. Poésies, p. 195.
  2. Poésies, p. 279.
  3. Le Bocage, p. 81.
  4. Le Bocage, p. 42.
  5. Le Bocage, p. 45.
  6. Le Bocage, p. 45.
  7. Le Bocage, p. 51.
  8. Le Bocage, p. 79.
  9. Le Bocage, p. 38.
  10. Poésies, p. 205.
  11. Le Bocage, p. 29.