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LE SYMBOLISME

sable. Épris du mystère et de l’infini, les poètes de la jeune école les pourchassent où ils les supposent embusqués, Verlaine et Rimbaud dans la perversité et le mysticisme, Mæterlinck dans la métaphysique, Ghil dans la science, Cros Corbière et Laforgue dans l’ironie, Kahn dans la prosodie, Mallarmé dans la phraséologie, Moréas et l’école romane dans la lexicologie. Partout où il a cru pouvoir saisir l’Infini, le symboliste a dressé sa lyre. Le moindre souffle du mystère en a fait vibrer les cordes, instinct, sensibilité, raison. Les sons rendus ont eu des intensités différentes, mais tous ont traduit la présence de l’Inconnu. De leur concours une chanson nouvelle est née dont le charme étrange a surpris les hommes, parce qu’il leur indiquait que, dans sa course éternelle vers la vérité, l’humanité venait de franchir un obstacle considérable, qu’après avoir longtemps désespéré de trouver une issue, elle repartait enfin pour une carrière dont les bornes échappaient au regard.

Transporté d’allégresse à cause des espaces immenses à parcourir, le poète a cru nécessaire d’accommoder ses instruments de travail aux difficultés de la tâche. Dans l’industrie la fonction crée l’organe. L’ouvrier adapte les instruments qu’il possède à la besogne nouvelle, et, s’il ne le peut, il invente des appareils spéciaux. Devait-il ici en aller autrement ? Au jugement des symbolistes le changement d’inspiration appelait ou la transformation de l’outillage habituel ou la création d’un matériel approprié. Ce fut la raison d’une révolution de forme consécutive à la révolution de fond.

En matière de prosodie, l’adaptation du vers classique aboutit au vers libéré, mais la césure abolie, le jeu des muettes sublimé, la rime assagie, l’assonance admise au droit de cité, tout cela n’était que des demi-mesures. Théoriquement l’outil retrempé ne vaut pas l’outil neuf : on créa le vers libre.

L’ancien procédé de composition classique, essentiellement conforme à l’ordre logique rendait mal la complexité