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LE BILAN DU SYMBOLISME

La Fontaine. On a assagi la rime ; mais la rime riche n’est pas le fait des classiques. Il n’y aurait là qu’un retour à l’ancienne coutume si par un effet de régression exagérée l’assonance n’eût pris la place de la rime suffisante. Verlaine, du reste, en permettant de la substituer à la rime, défend d’établir sur elle une prosodie tyrannique. Le vers libéré n’a qu’un mérite, celui d’avoir rénové les mètres impairs. En un certain sens l’usage classique paraît bien ici avoir donné des indications précises. Les alexandrins à rimes féminines n’ont-ils pas treize pieds tandis que les mêmes vers à rimes masculines n’en compte que douze ? N’est-ce pas la preuve que le mètre impair était une nécessité qui dès le début de notre métrique numérique s’imposait au poète pour varier le rythme ? Verlaine a donc cédé au besoin traditionnel de l’oreille en introduisant à l’intérieur du vers un rythme que les anciens conservaient pour marquer en fin de mesure un changement de cadence. Il n’y a d’ailleurs pas d’autre explication à la succession de rimes d’un sexe identique dans le même morceau. Ou bien le poète coupe une série masculine par une série féminine et alors la brusque transformation des consonances finales rend plus sensible l’imparité du rythme, ou bien il prolonge les rimes de sexe pareil jusqu’à la fin du poème, et, dans ce cas, il tire de l’absence absolue des rimes du sexe opposé un effet à peu près identique à celui qui découle de la présence multipliée du rythme impair à l’intérieur du vers. Quelles que soient ces licences, elles sont acceptables, car en dépit d’elles, le vers reste reconnaissable comme vers, et il y a loin de cette évolution forcée d’une forme classique un peu sénile au chaos excessif du verslibrisme.

Celui-ci entend changer les lois fondamentales de notre métrique ? Elle ne sera plus syllabique, mais rythmique. Au nom de quel principe ? De la fantaisie personnelle du poète. Soit ! Qui permettra pourtant de distinguer le vers de la prose ? La prose cessera-t-elle d’être rythmée pour que le