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LES PRÉCURSEURS DU SYMBOLISME

malgré tout affirmé comme les hommes du passé sa croyance en la divinité :

Ils reviendront ces dieux que tu pleures toujours[1] !


Et même leur retour est depuis longtemps un fait accompli. Ils sont revenus si nombreux que le panthéisme seul peut être la religion du poète : Tout est sensible, assure-t-il ;

Crains dans le mur aveugle un regard qui t’épie,
Souvent dans l’être obscur habite un dieu caché ;
Et, comme un œil naissant couvert par ses paupières.
Un pur esprit s’accroît sous l’écorce des pierres[2] !


Les âmes d’ailleurs sont d’humeur voyageuse. On en peut rencontrer partout.

La métempsychose pour Nerval explique et complète le panthéisme : « Il est un air pour qui je donnerais tout Rossini et chaque fois que je l’entends je crois voir une dame,

Que dans une autre existence peut-être,
J’ai déjà vue — et dont je me souviens[3] !


Par quel moyen le poète peut-il communiquer avec cet univers vivant ? Comment va-t-il examiner les correspondances de ces deux mondes, le spirituel et le matériel ? Il suffit à Gérard de Nerval d’entrer dans un état spécial, assez rapproché de la transe prophétique qui agitait la Pythie, pour que ses yeux contemplent des réalités interdites au commun des mortels : « Et puisque, écrit-il à Alexandre Dumas, vous avec eu l’imprudence de citer un des sonnets composés dans cet état de rêverie super-naturaliste, comme diraient les Allemands, il faudra que vous les entendiez tous. Ils ne sont guère plus obscurs que la métaphysique d’Hegel ou les Mémorables de Swedenborg et perdraient de leurs charmes à être expliqués, si la chose était possible [4] ».

  1. Les Chimères. Delfica.
  2. Vers dorés.
  3. Odelettes : Fantaisie.
  4. Préface des Filles du feu, écrite en 1854.