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CHANTS POPULAIRES DE LA BRETAGNE.

— As-tu vu, pêcheur, la fille de la mer, peignant ses cheveux blonds comme l’or, au soleil de midi, au bord de
l’eau?

— J’ai vu la blanche fille de la mer, je l’ai même entendue chanter : ses chants étaient plaintifs comme les flots.




NOTES


La tradition relative à la destruction de la ville d’Is remonte au berceau de la race celtique, car elle est commune aux trois grands rameaux de cette race : les poëtes bretons, gallois et Irlandais l’ont chantée ; on la trouve localisée en Armorique, comme en Cambrie, comme en Irlande. La possibilité de rapprocher ici les textes, de les compléter, de les contrôler les uns par les autres, est pour la philologie d’un intérêt extrême, dit très-bien M. Charles Magnin[1] ; ils s’accordent à retracer avec une concise et effrayante énergie une catastrophe dont l’histoire n’a conservé qu’un vague et incertain souvenir. Les Armoricains font inonder la nouvelle Sodome par le débordement d’un puits; les Gallois et les Irlandais, d’une fontaine. Selon les uns et les autres, la fille du roi est la cause de l’inondation, et Dieu punit la coupable en la noyant, et en la changeant en sirène. Chose plus extraordinaire encore, la version galloise, qu’on a lieu de croire du cinquième siècle, et l’œuvre du barde Gwyddno[2], mais dont le manuscrit du moins appartient au douzième siècle, contient deux strophes qu’on retrouve presque littéralement dans le poëme armoricain. Le barde gallois commence de la manière dont celui-ci finit ; quelqu’un vient réveiller le roi (le poëte l’appelle Seithenin) :

« Seithenin ! lève-toi ! et regarde ! la terre des guerriers, les campagnes de Gwyddno sont envahies par l’Océan ! »

Puis le poëte poursuit de ses malédictions la princesse :

« Maudite soit la jeune fille qui ouvrit, après son souper, l’huis de la fontaine, la barrière de la mer !

« Maudite soit l’éclusière qui ouvrit, après le péché, la porte de la fontaine à une mer sans frein !

« Les gémissements des ombres se sont élevés des plus hauts sommets de la ville, et montent jusqu’à Dieu : le besoin suit toujours l’excès[3]. »


  1. Journal des savants, cahier de mai 1847, p. 268.
  2. L’Archaiology of Wales le fait vivre de 469 à 520.
  3. Myvyrian, Archaiology of Wales, t. I, p.165