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LEZ-BREIZ.

Son doux écuyer, y prenant garde, en augura mal :
— Au nom du ciel ! maître, restez à la maison ; ce jour s’annonce sous de fâcheux auspices !
Rester à la maison ! mon écuyer ; c’est impossible ; j’en ai donné l’ordre, il faut marcher!
Et je marcherai tant que la vie , que la vie sera allumée dans ma poitrine,
Jusqu’à ce que je tienne le cœur du roi du pays des forêts[1], entre la terre et mon talon. —
La sœur de Lez-Breiz, voyant cela, sauta à la bride du cheval de son frère :
— Mon frère, mon cher frère, si vous m’aimez, vous n’irez point aujourd’hui combattre ;
Ce serait aller à la mort ! et que deviendrons-nous après ?
Je vois sur le rivage le blanc cheval de mer[2] ; un serpent monstrueux l’enlace,
Enlace ses deux jambes de derrière de deux anneaux terribles, et ses flancs de trois autres anneaux,
Et ses jambes de devant et son cou de deux autres encore,
et il monte le long de son poitrail, il le brûle, il l’étouffe.


  1. La France, par opposition aux côtes de l'Armorique.
  2. Symbole des Bretons comme habitants d’une contrée maritime, Armor, et de leur chef lui-même. (V. plus haut, p. 21.) La jeune fille fait ici preuve de ce bon sens précautionneux naturel aux femmes, et qui passait pour don de prophétie dans les sociétés primitives.