Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 1.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la ur de Lezarmeur et des neuf mères qui gémissent. « Cette tradition, dit Pierre le Baud, rapporte qu’on immolait jadis des enfants à une fausse divinité, sur un autel d’Aber-Vrac’h dans un lieu appelé Porz Keinan, c’est-à-dire le port des Lamentations, à cause des gémissements que poussaient les mères des victimes. »

Les neuf Korrigan qui dansent à la clarté de la pleine lune autour de la fontaine, sont, à n’en pouvoir douter, les neuf Karrigan, ou vierges consacrées des Armoricains, que Pomponius Mela dit prêtresses de l’Ile de Sein[1]. Mais pourquoi dansent-elles à la clarté ou peut-être en l’honneur de la lune? Probablement la lune était leur divinité : Arthémidore, cité par Strabon, assure que dans une île voisine de l’Armorique, on lui rendait un culte sous le nom de Koré ou Kori[2]. Il ne dit pas le nom de l’île ; mais comme en plein dix-septième siècle « c’était une coutume reçue dans l’Ile de Sein, de se mettre à genoux devant la nouvelle lune et de réciter en son honneur l’oraison dominicale[3], » il y a toute raison de penser qu’Arthémidore veut parler de l’Ile en question. Au culte de la lune se rattachait peut-être celui des fontaines : ainsi s’expliquerait la ronde des Korrigan. Dans la même île où l’on s’agenouillait devant la nouvelle lune, « on avait coutume de faire, le premier jour de l’an, un sacrifice aux fontaines, chacun offrant un morceau de pain couvert de beurre à celles de son village[4]. »

J’arrive à la plus bizarre série du chant armoricain : la laie, ses marcassins et le vieux sanglier qui les instruit sous un pommier.

Le double symbole mythologique de cet arbre et de ces animaux remonte à une époque très-reculée. Une médaille publiée par Montfaucon et qu’on croit avoir été frappée pour la famille patricienne bretonne de Marc’h-Gron Porc’hel, (Cheval-au-Grouin-de Sanglier,) qui, en se faisant romaine, latinisa son nom en Marcus Grunius Porcellus ; cette médaille représente un sanglier et une laie au pied de deux pommiers confondant leurs rameaux. S’il faut en croire l’historien ancien de la première église chrétienne

  1. V. l’Introduction de ce recueil.
  2. Strabon, lib. IV, p. 198.
  3. Vie de Michel le Nobletz, par le P. de Saint-André, p. 183.
  4. Ibidem, p. 186.