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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Il est probable que l’expédition à laquelle ce chant sauvage fait allusion eut lieu sur le territoire des Nantais, car le vin de leurs vignes est blanc, comme celui dont parle le barde. Les différentes boibsons qu’il prête aux Bretons, le vin de mûre, la bière, l’hydromel, le cidre, sont aussi celles dont ils usaient au sixième siècle. Leur breuvage, dit un contemporain, est de l'eau mêlée à de l’orge qu’on y a laissé fermenter, à du miel, au suc des fruits de certains arbres, surtout de pommes sauvages[1]. J’ai traduit kufr par hydromel; ce mot ne se trouve plus sous cette forme, ni chez les Gallois, ni chez les Bretons : les uns disent kourou, les autres (en Tréguier) kuféré.

Si je ne me trompe, nous aurions ici deux chants distincts soudés par l’effet du temps. Le second commencerait à la treizième strophe, et serait un hymne guerrier en l’honneur du soleil, un fragment de la chanson de l’Épée des anciens Bretons. Ceci , on le voit, nous rejetterait dans un siècle encore plus reculé, et même en plein paganisme. Il est du moins certain que la langue des sept dernières strophes est incontestablement plus vieille que celle des douze autres. Quant à sa forme rhythmique, la pièce entière est régulièrement allitérée d’un bout à l’autre, comme les chants des bardes primitifs. Elle offre, en outre, un curieux sujet d’observation tendant à prouver qu’elle est véritablement double : c’est que les douze premières strophes commencent chacune par une même lettre, un G ; et les sept dernières par une même lettre aussi, mais différente, par un K. Or, dans l’ancien alphabet celtique (je dois cette précieuse indication au savant baron d’Eksetein), et dans l'irlandais encore, où des rameaux représentent les lettres, le g a pour signe une branche de lierre, symbole bachique assez connu; et le k un rameau de coudrier, symbole breton et gallois des défaites par l’épée.

  1. D. Morice, Preuves, t. I, col. 228.