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harnais qu’il avait vus sur les chevaux des chevaliers ; puis il retourna vers sa mère.

« Cependant la dame avait recouvré l’usage de ses sens — Quoi ! mon fils, lui dit-elle, est-ce que tu voudrais chevaucher ? — Oui, avec votre permission, ma mère. — Alors il faut que je te donne des conseils avant que tu partes. —

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Quand elle eut fini de parler, l’enfant enfourcha son cheval, et, prenant dans sa main une poignée de dards, il partit. »

On voit que le conteur gallois a fait subir aux mœurs du jeune Breton le même changement qu’à la forme de l’œuvre originale : les unes, à ce qu’il paraît, lui semblaient surannées, peut-être grossières, comme l’autre. Son héros est plus civilisé que celui du poëte populaire. Il ne prend pas la fuite, en vrai petit sauvage, sans dire adieu à sa mère ; il l’embrasse, au contraire ; il reçoit ses conseils, il part avec son agrément. Le poëme, dans le remaniement gallois, gagne donc en culture morale, fruit d’une civilisation supérieure, ce qu’il perd en forme primitive et naïve. Cette culture est encore plus développée et plus sensible aux douzième et treizième siècles, époque où il acquit par toute l’Europe une telle popularité, que Chrétien de Troyes, en France, et Wolfram d’Eschenbach, en Allemagne, s’en approprièrent des morceaux, qu’ils placèrent dans deux de leurs romans calqués sur le conte gallois dont nous venons de citer un fragment. Le départ du jeune Lez-Breiz, et son retour au manoir de sa mère, furent les chants qui fixèrent surtout leur attention. J’ai déjà publié le premier[1], d’après Chrétien de Troyes ; le second est encore inédit, et mérite d’être reproduit : mais l’amplification du trouvère français n’ayant pas moins de deux cent soixante-dix vers, tandis que l’original en a seulement cinquante, je me permettrai de l’abréger.

Après avoir raconte l’arrivée du chevalier, dont il change le nom en Perceval, comme les Gallois l’avaient changé en Peredur, et comme les Allemands le changèrent en Parcival, selon l’usage habituel des romanciers du moyen âge, il rend de la manière suivante la reconnaissance du frère et de la sœur :


Hors d’une belle chambre vint
Une moult très-gente pucèle

  1. Contes populaires des anciens Bretom, t. II, p. 267.