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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


On surnomme, en basse Bretagne, épis sans barbe ou têtes rases, les hommes qui coupent leurs cheveux, contre l’usage national. Ce nom, dans le bardit qu’on vient de lire, sert à distinguer les guerriers bretons des guerriers étrangers. Les premiers, selon Ermold le Noir, portaient, au neuvième siècle, les cheveux longs, comme aujourd’hui. Les Normands, au contraire, se rasaient les cheveux et la barbe[1] : Guillaume le Conquérant fit une loi de cette coutume aux Anglo-Saxons qu’il vainquit[2]. Notre poète parle, à la vérité, de Gaulois (de Franks) et de Saxons, et non d’hommes du Nord ; mais on ne peut douter, d’après le sujet de la pièce, que ces noms ne soient pour lui synonymes d’ennemis en général, et qu’ils ne regardent les étrangers vaincus par Alain Barbe-Torte.

Qui le croirait ? Les Brelons modernes ont appliqué à leur chef de bandes le plus illustre les strophes composées en l’honneur du héros du neuvième siècle ! Comme je demandais au paysan qui me les chantait quel était ce Renard barbu dont la chanson faisait mention : « Le général Georges sûrement ! » répondit-il sans hésiter. On donnait effectivement à Georges Cadoudal le surnom de Renard, fort bien justifié par sa rare sagacité.

Les poëmes des anciens bardes gallois, que celui-ci rappelle beaucoup, fourmillent d’interpolations semblables a celle que nous indiquons. En les adaptant aux événements de leur temps, les ménestrels du moyen âge substituèrent très-souvent des noms contemporains aux vieux noms nationaux, et quand ils ne firent pas cette substitution, leurs auditeurs la supposèrent parfois.

Les trois strophes qui terminent la pièce ont évidemment été ajoutées par quelqu’un d’entre eux à l’œuvre originale, mais elles ne sont ni moins anciennes de langue, d’idées, de forme et de couleur, ni moins énergiques que les autres ; elles ont même de plus quelque chose de touchant et d’héroïque à la fois dont l’expression fait venir les larmes aux yeux.

  1. Augustin Thierry, Histoire de la Conquête de l’Angleterre, t. I, p. 325.
  2. Anglis barbas radere ad instar Normannorum præcipit. (Scriptores re