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XVI


HÉLOÏSE ET ABAILARD.


( Dialecte de Cornouailles. )


Je n’avais que douze ans quand je quittai la maison de mon père, quand je suivis mon clerc, mon bien cher Abailard.

Quand j’allai à Nantes, avec mon bien doux clerc, je ne savais, mon Dieu, que le breton ;

Je ne savais, mon Dieu, que dire mes prières, quand j’étais chez mon père, petite, à la maison.

Mais maintenant, je suis instruite, fort instruite en tout point ; je connais la langue des Franks et le latin, je sais lire et écrire.

Et lire dans le livre des Évangiles, et bien écrire, et parler, et consacrer l’hostie aussi bien que les prêtres.

Et empêcher le prêtre de dire sa messe, et nouer l’aiguillette par le milieu et les deux bouts ;

Je sais trouver l’or pur, l’or au milieu de la cendre, et l'argent dans le sable, quand j’en ai le moyen :

Je me change en chienne noire, ou en corbeau, quand je le veux, ou en porte-brandon (feu follet), ou en dragon ;

Je sais une chanson qui fait fendre les cieux, et tressaillir la grande mer, et trembler la terre.

Je sais, moi, tout ce qu’il y a à savoir en ce monde ; tout ce qui a été jadis, tout ce qui sera.

La première drogue que je fis avec mon doux clerc, fut faite avec l’œil gauche d’un corbeau, et le cœur d’un crapaud ;