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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


L’auteur suppose qu’Héloïse n’a que douze ans lorsqu’elle quitte la maison paternelle pour suivre son amant. Il y a, dans l’énumération qu’elle fait de ses talents, un certain orgueil qui commence par être naïf, et finit par devenir horrible. On y trouve un bizarre mélange de pratiques druidiques et de superstitions chrétiennes. Héloïse est fort savante : elle sait la langue romane et le latin ; elle lit l’Évangile ; les abbesses seules, entre les femmes, en avaient le droit. Ce fait est important : il prouve qu’Héloïse était déjà retirée au Paraclet lors de la composition du chant ; elle n’est donc pas seulement sorcière, elle est religieuse, prêtresse même, puisqu’elle prétend consacrer l’hostie.

Elle est alchimiste ; elle se métamorphose à son gré : elle est tour à tour chienne noire, corbeau, dragon, ou feu follet. Les âmes des méchants empruntent toutes ces formes.

Au pied du Mont-Saint-Michel, en Cornouaille, s’étend un vaste marais ; si le montagnard voit passer, sur le soir, un grand homme maigre et pâle, suivi d’une chienne noire, qui se dirige de ce côté, il regagne bien vite sa cabane, il ferme sa porte au verrou, et se met en prière, car la tempête approche. Bientôt les vents mugissent, le tonnerre roule avec fracas, la montagne tremble et parait prête à s’écrouler : c’est le moment où le magicien évoque les âmes des morts.

Le feu follet est un enfant qui porte à la main un brandon qu’il tourne comme une roue enflammée ; c’est lui qui incendie les villages que l’on voit brûler, la nuit, sans que personne y ait mis le feu ; le cheval malade qui se traîne vers l’écurie, c’est lui : on croit le tenir, il échappe en jetant son tison à la tête du pâtre qui veut le conduire à l’étable. La chèvre blanche, égarée, qui bêle tristement, après le coucher du soleil, au bord de l’étang, c’est encore lui ; elle fait tomber le voyageur dans l’eau, et fuit en ricanant. Esprit, lutin, démon malicieux et moqueur, le porte-brandon met sa joie à narguer l’homme.

Héloïse a tout pouvoir sur la nature : elle connaît le présent, le passé, l’avenir ; elle chante, et la terre s’émeut. Elle sait la vertu des simples ; comme Merlin, elle cueille au point du jour l’herbe d’or ; elle jette des sorts ; elle fait couver des œufs de vipères qu’elle engraisse de sang humain ; elle bouleverserait le monde. Cependant il y a une limite qu’elle ne franchit pas : où finit son