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LA FIANCÉE.


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ARGUMENT.


« Quiconque est fiancé trois fois sang se marier, va brûler en enfer. » Cet aphorisme, qui fait le thème d’une antique ballade, a sans doute son origine dans le respect que professaient autrefois les Bretons pour la sainteté des fiançailles ; sa forme rhythmique est celle des maximes des druides, et nous ne serions pas étonné que c’en fût une. Selon eux, les âmes avaient trois cercles à parcourir après la mort : le premier était le cercle des peines, ou l’enfer ; le second, celui de la purification ; le troisième, celui du bonheur parfait. C’est ce qu’établissent les documents que nous ont laissés les vieux bardes bretons du pays de Galles[1]. L’âme, d’après nos poètes d’Armorique, devait, avant d’arriver en enfer, passer par les étangs de l’Angoisse et des Ossements, les vallées du Sang, et enfin la Mer, au delà de laquelle s’ouvraient les bouches de l’Abîme ; un barde gallois du cinquième ou du sixième siècle reconnaît aussi, dans le séjour de la Mort et des Peines, une vallée nommée la « vallée des Eaux de l’Angoisse[2] »; il y avait de même dans le Niflyheim des Scandinaves un fleuve ou lac de la Douleur. Voici maintenant ce que racontent Procope et Claudien : « Les pêcheurs et les autres habitants des côtes de la Gaule qui sont en face de la Grande-Bretagne, dit le premier de ces auteurs, sont chargés d’y passer les âmes, et, pour cela, exempts de tributs. Au milieu de la nuit, ils entendent frapper à leur porte ; ils se lèvent : ils trouvent sur le rivage des barques étrangères où ils ne voient personne, et qui pourtant sont si chargées, qu’elles semblent sur le point de sombrer, et s’élèvent d’un pouce à peine

  1. V. la TRIADE DES CERCLES. Owen’s Pugh., Dict., v. II, p. 214 (ed. 1832).
  2. Myvyrian, t. 1, p. 74.