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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Il y a quelques différences entre le récit breton et le récit français. Le trouvère assure que Bembrough fut blessé à mort par Alain de Keranrais et achevé par Geoffroy du Bois ; selon lui encore, ce fut Beaumanoir que Bembrough défia, et non Tinteniac, comme le veut le poète populaire :


— Rends-toi tôt, Beaumanoir, je ne t’occirai mie (point) ;
Mais je ferai de toi un présent à ma mie ;
Car je lui ai promis, ne lui mentirai mie,
Qu’aujourd’hui le mettrai en sa chambre jolie. —
Et Beaumanoir répond : Je te le sour ennuie (je te préviendrai) ;
Nous l’entendons moult bien moi et ma compagnie.
S’il plaît au roi de gloire et à sainte Marie :
Or, jette tôt le dé, sire, et ne te feins mie ;
Sur toi sera hazard, courte sera ta vie. —
Alain de Keranrais si l’a bien entendu (Bembrough)
Et lui dit : Glout (glouton), trichière (trompeur), qu’est-ce que penses-tu ?
Penses-tu y avoir homme de tel’ vertu ?
Le mien corps te délie aujourd’hui de par lu (lui) ;
Maintenant te ferrai (frapperai) de mon glaive émoulu. —
Alain de Keranrais l’eut à présent féru (frappé)
Pardevant de sa lance dont le fer fut aigu,
Jusques en la cervèle lui a le fer embatu (enfoncé).
Il étendit (tire) son glaive, si que (dès que) Bembrough est cheu (tombé)
Bembrough saillit (sauta) sur pieds, et cuida (pensa) joindre à lu (lui) ;
Mais sire Geoffroy du Bois, si la bien reconnu,
Et le fiert (frappe) d’une lance si qu’il l’a acouchu (atteint),
Et Bembrough chaït (tomba) mort à la terre abattu,
Si s’écria du Bois : Beaumanoir, où es-tu ?
De celui es vengé ! il gît mort étendu[1]. —


La substitution du nom de Tinteniac, bas breton, à celui de Beaumanoir, haut breton, par un poète de basse Bretagne, s’explique aisément. Au reste, selon le trouvère,

 
     Tinteniac le bon était tout le premier,
     Celui de Beaumanoir que l’on doit renommer,
     Et toujours pour ce fait ouïrons de lui parler.


  1. La Balaille des Trente, édition de Crapelet.