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IV


La poésie, populaire, dans tous les temps et chez tous les peuples, atteint dès sa naissance son complet développement. Comme la langue et avec la langue du peuple, elle meurt, mais ne change pas de nature ; toutefois elle ne peut se soustraire à l’influence des siècles ; mais, nous le répétons, son essence ne varie pas. Nous pensons donc qu’on s’égarerait en cherchant, dans la poésie traditionnelle et populaire, les traces d’un progrès semblable à celui qui règne dans la poésie écrite et artificielle. Cette poésie est complète par cela même qu’elle existe, et il faut, ce nous semble, la juger comme un tout homogène pour en avoir une idée juste. Les remarques que nous allons soumettre au lecteur seront donc générales, et pourront convenir indifféremment à toutes les époques de l’histoire de la poésie bretonne, depuis les temps les plus reculés. Nous verrons plus tard, en descendant le courant des âges, quelles nuances particulières lui ont données les événements, les mœurs et les temps.

Le principe de toute poésie populaire, c’est l’âme humaine dans son ignorance, dans sa bonne foi, dans sa candeur native ; l’âme, non sophistiquée et « sans cognoissance d’aulcune science ni mesme descripture[1], » et toutefois, pressée par un besoin instinctif de confier à quelque monument traditionnel le souvenir des événements qui surviennent, les émotions qu’elle éprouve, les dogmes religieux ou les aventures des héros de son culte.

  1. Montaigne, Essais, liv. I, c. 54.