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des campagnes, avec leur costume national, leurs longs cheveux, leur langue et leur naïveté rustique. La plupart n’ont guère moins de dix-huit à vingt ans. Ils vivent ensemble, dans les faubourgs ; le même galetas leur sert de chambre à coucher, de cuisine, de réfectoire et de salle d’étude. C’est une existence bien différente de celle qu’ils menaient dans les champs ; une révolution complète ne tarde pas à s’opérer en eux ; à mesure que leur corps s’énerve et que leurs mains blanchissent, leur intelligence se développe, leur imagination prend un nouvel essor. L’été et les vacances les ramènent au village ; c’est « la saison, dit un poêle breton, où les fleurs s’ouvrent avec le cœur des jeunes gens. » Comment le leur resterait-il fermé ? On ne parle autour d’eux que de fêtes, de plaisirs : s’ils se promènent dans la campagne, pour étudier plus librement, ils sont distraits par les rires joyeux de fringantes jeunes filles aux costumes coquets, qui passent avec leurs galants pour aller à quelque aire neuve ; s’ils restent prudemment au village, le verger où ils cherchent l’ombre et la solitude n’est pas moins tentateur : la branche de plus d’un pommier fait briller à leurs yeux de ces vertes pommes d’amour enveloppées d’un papier indiscret auquel les ciseaux d’un jeune homme ont confié un nom chéri, en laissant au soleil le soin de le graver sur le fruit en caractères de feu. Partout des écueils ; aussi, rarement les kloer reviennent à la ville sans y rapporter le germe d’une première passion. Avec elle s’élève dans leur âme un grand orage ; un combat s’y livre entre Dieu et l’amour ; parfois l’amour est le plus fort. L’oisiveté, la réflexion, l’idée d’un bonheur prochain qu’on pourrait cueillir, le contraste de la gêne, des privations, de la servitude présente avec la liberté des bois ; l’isolement, le mal du pays, les regrets, contribuent à déve-