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journal de ma vie.

la plus part, que je n’avois pas le loysir de songer a ma fortune.

Le roy fit danser un ballet a monsieur le dauphin ; et, parce que c’eut esté une feste assés melancolique s’il n’y eut eu que ces petits enfans quy en eussent esté, le roy commanda que les galans de la court en dansassent un immediatement avant le sien ; ce que nous fismes.

Avril. — Madame la princesse de Conty accoucha, en caresme, d’une fille quy ne vescut que dix jours[1].

May. — Puis nous entrames dans ce malheureux mois de may, fatal a la France par la perte que nous fismes en iceluy, de nostre bon roy !

Je diray plusieurs choses des ressentiments que le roy avoit de mourir, et quy previndrent sa mort. Il me dit, peu devant ce temps la : « Je ne sçay ce que c’est, Bassompierre, mais je ne me puis persuader que j’aille en Allemaigne, et le cœur ne me dit point que tu ailles aussy en Italie. » Plusieurs fois il me dit, et a d’autres aussy : « Je crois mourir bientost. » Et le premier jour de may, revenant des Tuilleries par la grande galerie (il s’appuyoit toujours sur quelqu’un), et lors il tenoit Mr  de Guyse d’un costé et moy de l’autre, et ne nous quitta qu’il ne fut pres d’entrer dans le cabinet de la reine : il nous dit lors : « Ne vous en allés point ; je m’en vas haster ma femme de

  1. Marie de Bourbon, fille du prince et de la princesse de Conti, naquit le 8 mars 1610, et mourut le 20 du même mois, suivant le P. Anselme.