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journal de ma vie

comme elle s’en alloit au sermon. Je luy dis : « Allons faire deux tours en l’antichambre pendant le sermon, et puis nous irons a vespres, et aurons esvité le chaud et la presse. » Il s’y en vint, et en entrant me dit : « Que diriés vous, Monsieur, que la reine n’a pas encores voulu voir Mr  le marquis de Cœuvres, et que ces coquins de barbons l’en divertissent toujours ? » Je luy dis : « Monsieur, je ne crois pas que les ministres facent tant d’effort sur son esprit que sa propre inclination ; car je vous puis dire que ce fut la reine seule quy fit espier Mrs  de Guyse et de Vendosme, et quy sceut qu’ils s’estoint parlé la nuit : bien ne vous diray je pas que l’on ne l’en eut precedemment avertie. Mais laissons cette affaire, et parlons d’une autre plus importante, sy vous la savés, comme je pense ; ou sy vous ne la sçavés, je vous en parleray seul : qu’est ce que de Maignat ? » A ce mot, tout estonné il me dit : « Pourquoy, Monsieur, de Maignat ? Que vol dir Magnat ? Che cosa e Maignat ? » Je luy dis : « Vous me leurrés, vous le sçavés mieux que moy, et vous en faites l’ignorant. » Il me dit : « Par Dio, Mousou, je ne connesse point Magnat ; je n’entende point cela ; je ne say ce que c’est. » « Monsieur, Monsieur, luy dis je, je vous parle icy comme vostre serviteur et vostre amy, non pas comme un juge ou un commissaire. Maignat fut hier pris et interrogé a l’heure mesme, puis encores le soir, et ce matin encores : il a esté pris jettant un paquet au bureau de la poste, lequel parle de beaucoup de choses et nomme les personnes par leur nom. Sy vous le sçavés desja, je n’ay perdu que la peine de vous l’avoir dit ; et sy vous ne le sçavés, je pense, comme vostre serviteur, gaigner beaucoup de vous