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1620. octobre.

Secondement que, le roy arrivant a Poitiers au retour du petit voyage qu’il avoit fait a Tours pour voir la reine sa femme, comme on luy apporta nouvelle du retardement de la [venue de la][1] reine mere a Poitiers, je dis au roy : « Sur ma vie, Sire, que c’est un artifice de ses partisans pour empescher le voyage de Vostre Majesté en Guyenne » ; ce que le roy imprima sy fort dans son esprit qu’il[2] avoit eu mille peines de luy faire attendre la reine sa mere a Poitiers ;

En troisieme lieu que, m’ayant prié plusieurs fois a disner a Bordeaux, je l’avois meprisé et n’avois daigné y aller ;

En quatrieme lieu que, le roy nous parlant a tous deux, a Preignac, de cette verification qu’il attendoit, j’avois dit au roy que sy ces messieurs luy donnoint la peine d’aller en Bearn, je luy conseillois de leur faire payer cherement son voyage ; ce quy estoit porter le roy a la cruauté ;

Et finalement, que j’avois tellement preoccupé l’esprit du roy, qu’il ne croyoit rien de bien fait que ce que je faisois, veu que sans en demander l’advis de son conseil il avoit destrosné les mareschaux de camp que (par la demission que nous avions faitte, Mr de Crequy et moy,) il avoit establis sur son armée, pour me la mettre en main : ce qu’il ne pouvoit souffrir, se sentant assés fort pour empescher le progres que je faisois journellement a son prejudice aux bonnes graces du roy.

  1. Inédit.
  2. Il, Luynes.