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journal de ma vie.

je mis en battaille a la place du regiment des gardes, lequel, avec tout le reste de nos trouppes, je fis incontinent passer le Tar et s’aller joindre au roy pres de Montbeton, et puis commençay a faire rompre nostre pont ; et fait a fait que l’on destachoit un batteau, je le faisois descendre à val. Ceux de Montauban voyant toutes nos actions fort clairement, je m’attendois a toute heure de les avoir sur les bras, et qu’ils sortiroint, cavalerie, infanterie et canon. En fin nous fusmes prests a marcher, et je priay lors Mr de Chomberg de parestre sur un lieu un peu elevé et mettre en deux rangs ces quarante chevaux qu’il pouvoit avoir, vingt de front, affin de faire croire aux ennemis qu’il y en avoit cent. Mais les ennemis apres avoir escarmouché un demy quart de lieue sans nous enfoncer, furent sy joyeux de nous voir retirer qu’ils cesserent de nous suyvre. Je fis quattre battaillons de mes huit cens hommes, et trente mousquetaires que j’en tiray pour estre sur les ailes de trente piques quy estoint les derniers et que je menois, faisant toujours marcher nos ordres separés, affin de ne nous point embarrasser. Apres que les ennemis se furent lassés de nous suyvre sans profit que de bonnes mousquetades, nostre cavalerie passa par un guey que nous luy enseignames[1], et nous laissa aller apres nous avoir dit adieu, et nous continuames paysiblement nostre chemin jusques a la punte de la Veyrou où nous ne trouvasmes aucun batteau pour passer, comme il nous avoit esté promis, ce quy me mit en une grand peine :

  1. Pour regagner la rive gauche du Tarn.