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1621. novembre.

que les grandes affaires qu’il s’attiroit sur les bras l’empeschassent d’y penser, ou que la grandeur l’aveuglat ; de sorte que les mescontentemens du roy croissoint bien fort, et le roy toutes les fois qu’il me pouvoit parler en particulier, m’en tesmoygnoit de plus violens ressentimens.

Une fois que j’estois venu le trouver, le millord de Hey, ambassadeur extreordinaire du roy de la Grand Bretaigne, envoyé pour s’entremettre de la paix entre le roy et les huguenots, eut sa premiere audience du roy[1], apres laquelle il l’alla prendre de monsieur le connestable. Mr  de Puisieux, selon la coustume, venoit entendre du roy ce que le millord luy avoit dit a son audience, quand le roy m’appella en tiers et me dit : « Il va prendre l’audience du roy Luines. » Je fus bien estonné de ce qu’il me parloit devant Mr  de Puisieux, et voulus faire l’ignorant ; mais il me dit : « Il n’y a point de danger devant Puisieux ; car il est de nostre secret. » « Il n’y a point de danger, Sire ! (luy dis je.) Je suis maintenant asseurement perdu ; car c’est un homme craintif, et peureux, comme monsieur le chancelier son pere, quy au premier coup de fouet confessera tout et perdra en suitte tous les complices et adherens. » Le roy s’en rit et me respondit de luy en quy je me fiois bien, et estoit mon amy. Lors le roy commença a deschirer monsieur le connestable et en dire tout ce qu’il avoit en sa fantaisie ulcerée de ce qu’il avoit adjoint a la charge de connestable celle de chancelier depuis la mort de Mr  le garde des sceaux

  1. Voir p. 336.