Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 2.djvu/390

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
386
journal de ma vie.

du Vair[1] quy estoit decedé peu de jours auparavant.

Je vis bien qu’il estoit sur le penchant de sa fortune, et me resolus de luy remontrer quelque chose sur ce sujet, pour son bien, veu que depuis nostre brouillerie il m’avoit tesmoygné beaucoup de bonne volonté. Ce fut a quelques jours de là, que me trouvant dans son cabinet avesques luy, je luy dis que comme son serviteur tres humble, passionné a ses interets, je me croyois obligé de luy remontrer qu’il ne cultivoit pas assés la faveur et les bonnes graces du roy, et qu’il n’en avoit pas tant de soin qu’auparavant, maintenant qu’il en devoit avoir davantage ; que le roy croissoit en aage, en regne, et en connoissance des choses, et qu’en mesme temps luy, quy croissoit en charges, honneurs, bienfaits et obligations, devoit aussy croitre en reconnoissance et en summissions vers son roy, son maitre et son bienfaiteur ; qu’au nom de Dieu il y prit garde, et qu’il pardonnat a la liberté que j’avois prise de luy en parler, puis qu’elle provenoit du zele et de la passion que j’avois a son service tres humble. Il me respondit qu’il me sçavoit gré et se sentoit obligé au soin que j’avois de sa conservation, quy me seroit asseurement utile et profitable, et que je luy avois commencé de luy parler en neveu, comme il esperoit que je luy serois dans peu de temps ; qu’il me vouloit aussy respondre en oncle et me dire que je me reposasse sur l’asseurance qu’il me donnoit qu’il connois-

  1. Du Vair était mort à Tonneins le 3 août. — L’auteur a écrit par erreur : De Vic.