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INTÉRÊT ET PRINCIPAL.
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PREMIÈRE LETTRE.


19 novembre 1849.


Monsieur le Rédacteur,

L’ardeur extrême avec laquelle le Peuple, en France, s’est mis à creuser les problèmes économiques, et l’inconcevable indifférence des classes aisées à l’égard de ces problèmes, forment un des traits les plus caractéristiques de notre époque. Pendant que les anciens journaux, organes et miroirs de la bonne société, s’en tiennent à la guerroyante et stérile politique de parti, les feuilles destinées aux classes ouvrières agitent incessamment ce qu’on peut appeler les questions de fond, les questions sociales. Malheureusement, je le crains bien, elles s’égarent dès leurs premiers pas dans cette voie. Mais en pouvait-il être autrement ? Elles ont du moins le mérite de chercher la Vérité. Tôt ou tard la possession de la Vérité sera leur récompense.

Puisque vous voulez bien, monsieur, m’ouvrir les colonnes de la Voix du Peuple, je poserai devant vos lecteurs et m’efforcerai de résoudre ces deux questions :

1° L’intérêt des capitaux est-il légitime ?

2° Est-il prélevé aux dépens du travail et des travailleurs ?

Nous différons sur la solution ; mais il est un point sur lequel nous sommes certainement d’accord : c’est que l’esprit humain ne peut s’attaquer (sauf les problèmes religieux) à des questions plus graves.

Si c’est moi qui me trompe, si l’intérêt est une taxe abu-